EXPOSITION DES ARTISTES EN RÉSIDENCE

La logique des lieux

À Romainville, (…) j’arpente les rues l’appareil photo toujours prêt. Je fixe des lieux abandonnés. Je prends en gros plan des idées de matières qui m’inspirent, la peinture qui craquelle, la rouille qui coule, les tâches sur les murs et les trottoirs, les enchevêtrements végétaux.

Simone Prouvé, dans Tisser la lumière aux éditions Selena, 2023

Ces gestes énoncés par l’artiste Simone Prouvé*, basée depuis de nombreuses années non loin de la Fondation Fiminco à Romainville, sont une bonne entrée  dans l’exposition collective La logique des lieux et le processus qui lui a donné jour. Pensée depuis plusieurs mois en collaboration avec les douze artistes accueillis en résidence au sein des bâtiments de cette ancienne friche industrielle, cette exposition réunit et matérialise expériences plastiques et réflexions partagées sur l’influence de nos milieux de vie dans les pratiques artistiques.

Ce que cette exposition espère ainsi partager avec le public, c’est la manière dont les architectures qui nous entourent ne sont aucunement passives, mais tout autant les personnages de nos vies, actifs et participatifs de nos mouvements, de notre histoire personnelle et collective, comme de nos affects. Au-delà de leurs étendues horizontales, ce sont aussi dans leurs profondeurs verticales et leurs structures invisibles que résident leur mémoire, les gestes et les flux qui les ont modelé; en somme, le sens des lieux et ce qui nous y attache, au passé comme au futur.

Que nous font les lieux, et à l’inverse, que leur faisons-nous ? De quelles manières agissent-ils dans les pratiques artistiques ? Si la logique, par définition, est l’analyse des formes de pensée permettant d’élaborer un discours, s’intéresser à la logique des lieux reviendrait à les regarder et à les écouter davantage, à comprendre les interactions qui les caractérisent, à leur surface comme dans leur profondeur historique.

Par l’imaginaire, les œuvres réunies dans l’exposition tentent ainsi de souligner la capacité des lieux à libérer des forces et des récits, ainsi que les liens qui nous y attachent, qu’ils soient ancestraux, vivants, affectifs ou écologiques. À travers de multiples formes et points de vue, elles abordent tout autant l’influence de territoires réels et immédiats, à l’image de ceux arpentés quotidiennement par les artistes (Romainville et l’Est parisien), que d’horizons plus lointains, de ceux transmis ou hérités que l’on garde en soi — ces architectures invisibles.

Par Élodie Royer

*Artiste textile et photographe née en 1931, Simone Prouvé crée des œuvres textiles abstraites en lien avec l’architecture et l’ameublement, d’abord avec les matières traditionnelles, puis avec des matières innovantes comme des fils en inox ou de la fibre de verre, qui subtilement superposées à la forme architecturale, transforment en filigrane leurs paysages. Son atelier est basé à Romainville.